Perdue au fond de moi. Comme au fond d'un puits. J'aurai du être un poisson. Pour savoir nager. Etre à mon aise. A mon aise dans cet univers lacrymal. Dans mon élément. Mais c'est le poison noir de mes pensés qui s'infusent en moi. Me voilà à arracher mes écailles une à une. Le sang s'écoule dans le lavabo. J'ouvre le robinet pour le rincer. Je lèche mes doigts. Dans le miroir j'ai un air de vampire avec ce sang sur mes lèvres. Je suis blanche, les cernes noires. Mes arrêtes sont visibles a travers ma peau translucide. Et mes yeux malades et jaunes sont phosphorés dans l'obscurité. Je connais les abysses de moi même. Cette foi je me suis griffée un peu trop avec mes longs ongles pointus. J'avais vachement mal, je hurlais, j'avais la mâchoire crispée, mon corps se tordait de douleur...Je perdais trop de sang. Ca a giclé sur le miroir. Mais j'aimais ça, le juge de moi même jouissant de mon atroce douleur. J'étais incapable de m'arrêter, perdant le contrôle de moi même. Je continuer à m'arracher les peaux. Je sanglotais tant. Ce visage si fatiguée n'était pas le mien, je voyais mon père a travers moi. J'avais son regard abyssal. Ses ténèbres. Je frissonnais violement, je suis tombée par terre, en me cognant au lavabo...Le décor tournoyait. J'ai rampé sur le sol. Je me trainais par terre jusqu'à mon lit. Ma chambre n'était pas loin de la salle de bain.
Je me suis réveillée trois heures plus tard, j’avais mal au crane. J'avais taché les draps. Mes blessures me brulaient toujours. J'ai du arracher le tissu collé à mes stigmates en grimaçant. J'ai attrapé une bouteille d'alcool planquait sous le lit. Et j'en ai bu une bonne goulée. Du cognac pur.
Mon chat nommait Bashet à bondit sur mon lit. Son museau cherchait ma main, la caresse. Il ronronnait. J'ai rêvé de trois grands chats justement, dans une cours arrondie faite de hauts murs en bois, jouant à un étrange jeu de société, la nuit. Le noir m'a dit d'un regard perçant "Tout jeux contient l'idée de mort". Une citation de Jim Morisson. J'avais déjà vu cette scène quelque part, mais où? Les chats dans mon rêve ressemblaient à des statuettes. A des pions. Ils étaient dessinés. Des traits fins, un peu hésitants...Ils évoluaient sur un étrange plateau. Une étrange fleur. Une sorte de lotus aux pétales noirs et or. A gauche il y avait un étrange monsieur d'origine japonaise tout de blanc vêtue. Il tissait des cages d'oiseau avec du fil d'araignée. Le but étant peut être pour les chats d'en attraper. Un étrange arbitre, noir, dansait sur le plateau, une sorte d'indien d'Amazonie, visage masqué. Il ressemblait un peu à un insecte avec ses trois jambes maigres zigotantes. Tandis que les trois chats semblaient immobiles attendant leurs tours. Il y avait aussi trois silhouettes noires, longilignes, masculines parlant autour d'une étroite et immense colonne en ivoire. Dans le ciel ne brillait qu'une étoile.
Quelqu’un frappe à ma porte. Dois-je ouvrir ? Il est déjà 20h, le soleil se couche. J’enfile ma robe. Me brosse les cheveux. Les coups sont insistants. Je jette un œil à l’œillet. C’est Mélania ma meilleur amie. Je tourne la serrure, appuie sur la poignet.
-Atila tu n’as vraiment pas l’air en forme ! Ca fait une semaine que j’essaye de t’appeler ! Tu ne réponds même pas à mes mails, je m’inquiète !
-Entre Mélania.
Mon amie s’assoit dans le canapé. Elle est très élégante ce soir, avec sa longue robe noire, ses talons aiguilles, ses lèvres rouges…Elle ressemble à blanche neige. Sa peau ivoire. Sa taille fine. Ses cheveux noirs corbeaux aux reflets bleus. Les larmes m’échappent…Le chat vient se frotter contre sa cheville.
-Viens dans mes bras ma biche. Tu m’inquiètes en ce moment.
Je m’assois a côté d’elle, la serre dans mes bras, pose mon menton contre son épaule. Elle sent bon.
-Je suis déprimée, je n’ai plus gout à rien ! Je bois… Je me fais du mal…
-Encore du mal…Je savais bien que tu n’allais pas bien. Parfois j’ai peur que tu fasses une grosse bêtise ! Il faut que tu te fasses aider. Je suis venue car ce soir il y a le vernissage d’une très belle exposition de peinture. Ca te changera les idées.
D’habitude j’aurai sauté de joie à l’idée d’aller voir une exposition de peinture mais la…
-Mais regarde comme je suis ! Je ne suis pas présentable !
-Tu as le temps de te préparer, et je vais t’aider à choisir une tenue, je vais te maquiller.
-J’ai des cernes horribles…
-Mais je suis esthéticienne…Avec le maquillage on ne les verra pas !
Je me suis levée, j’ai pris une pomme dans la corbeille de fruit, je l’ai croqué. De l’énergie j’en avais besoin. Puis je suis allée dans la salle d’eau prendre ma douche. J’ai entendu Mélania s’écrier :
-Du sang ! Atila mais qu’est ce qui s’est passé ?
Elle est entrée dans la salle d’eau, elle m’a surprise, j’étais nue, le jet puissant de la douche m’attendait…
-N’entre pas, je suis nue.
Instinctivement je me suis cachée la poitrine avec mon bras, mon sexe avec la main.
-Mais tu es blessée ! Tu t’es scarifiée !
-Mais non…
-Il faut désinfecter les plais !
-Tu fais chiez !
-Tu trembles tellement…Ca va aller ? Tu veux que je t’aide à prendre ta douche ?!
-Ah non quel horreur !
Mélania éclata de rire.
-Je te laisse.
Mélania m’a choisit une longue robe en velours violette avec une ceinture large en soie or.
-Non, Mélania, j’aimerai une robe plus discrète…Une robe noire.
-Ah non ! J’en ai assez de te voir vêtue en noire…
Mon amie m’a ajusté ma robe, a serré le lacet dans mon dos…En me disant d’une voix inquiète:
-Tu as encore mincie !
Une onde de choc. Des éclairs d’angoisses passant dans mon corps. J’avais envie de la gifler. Tant mieux si j’ai minci ! Je fais ce que je veux de moi ! Mais je suis restée immobile, je n’ai pas cillé. Je n’ai rien dit. Il y a des sujets qui font mal. Très mal.
J’étais assise devant la coiffeuse. Elle m’a coiffé. Un beau chignions. Moi j’avais envie d’avoir les cheveux détachés pour me cacher le visage. Puis elle m’a maquillé. A mit du rose sur mes joues, a caché mes cernes, a agrandit mes petits yeux fatigués avec le mascara et le fard a paupière.
Nous sommes entrées dans la salle d’exposition. Les hommes à l’entrée, flute de champagne à la main nous on dévisagés. Une lueur d’admiration brillait dans leurs yeux. Ils portaient de beaux costumes, étaient sveltes mais leurs chevelures grisonnaient…Nous nous avions vingt cinq ans.
C’était une exposition des œuvres picturale de Leonera Carrington. L’écrivaine et la peintre surréaliste. La dame de Max Ernest. L’amie de Frida Kalho. Les gens étaient occupés à manger des petits fours et à bavarder entres eux. Moi je contemplais les tableaux, les étranges scènes, les étranges animaux…J’étais troublée. Fascinée. Je me suis mise à pleurer. Troublée mais pourquoi ? Je l’ai su en retrouvant l’image de mon rêve.
-Mélania, c’est étrange. J’ai rêvé de l’un de ses dessins. Cette après midi, j’ai fait une sieste et j’en ai rêvé, de ça :
Je pointais mon index vers la toile avec les trois chats. Comme dans mon rêve !
-Coïncidence !
-L’un des chats m’a dit d’une voix énigmatique ! Tout jeu contient l’idée de mort ! Tien c’était celui là, à droite.
-C’est Jim Morisson qui a dit ça.
-J’en déduis que Jim Morisson s’est transformé en chat. Dans mon rêve les chats jouaient sur ce plateau. Mais ils jouaient leurs vies pour de vrai. C’était des pions. Ils étaient statiques. Des statuettes presque…Et plus il évoluait dans ce jeu spirale, plus c’était mortelle. Certains chats attrapaient un oiseau en vol. Le japonais enfermait la proie dans la cage en fil d’araignée. Il est vêtu de blanc, la couleur du deuil pour les asiatiques.
-Alors les oiseaux pouvaient donc s’échapper…
-Ah non, on n’échappe pas à son esprit araignée. Les fils d’araignées c’est très solide !
-Toi aussi tu joues dangereusement avec ta vie…Comme ces trois félins. Le chat est un symbole de féminité, de sensualité…L’araignée est un sexe féminin. La vie n’est peut-être qu’un macabre jeu. Nous sommes des pions. Echec et mat ! Il y a trois chats, le chiffre trois à aussi une signification. Il forme le triangle de la pyramide. Le chat n’est-il pas l’animal sacré de l’Egypte Antique ?! Et dans le ciel on aperçoit l’étoile. Les égyptiens connaissaient bien la carte du ciel.
Nous sommes allées grignoter des toasts. J’ai bu du cognac noyé dans du jus d’orange. Moi qui me sentais si triste. La j’étais euphorique. Evidement, j’y voyais un signe, des clins d’œil de Leonera. Avoir rêvé de son dessin. Sans savoir que c’était le sien. Mais cette scène me rappelait quelque chose. A l’improviste, mon amie qui passe me chercher, pour aller à un vernissage de je ne sais qui. Et la surprise, je découvre que c’est une expo consacré à l’artiste Leonera ! J’y retrouve la scène de mon rêve ! Incroyable !
Mélania au buffet buvait un peu trop.
J’ai vu aussi une fille vague, au bord de la mer, berçant un poisson, comme l’aurait fait une mère. Il était en apnée dans l’air. Mais il avait l’air de se sentir bien dans les bras de cette enfant. Justement, je me souviens, lorsque je me faisais du mal, je me suis prise pour un poisson chat. Un poisson chat malade. Un poison. De mes griffes, je grattais mes écailles, je les ai arraché une à une…Les chats n’aiment pas les poissons sauf pour les croquer avec leurs dents pointues ! Etre un poisson et un chat en même temps n’est pas facile. J’ai deux moi, ils ne cohabitent pas facilement.
J’ai aperçu un Baku en toile. Ou un tapir. Mon animal psychopompe. Mon dévoreur de mauvais rêve. Il n’était pas là, les chats jouaient entre la vie et la mort. Un Baku en toile, ne sortant pas du cadre…Alors ça ne sert à rien !
Sur le retour je rêvassais, je regardais à la fenêtre. La jaguar roulait à vive allure sur les sinueuses routes. Nous traversions des forêts. Je me suis souvenue de sensations enfantines. À la rêverie des voyages en voiture de nuit, on regarde le paysage défiler...Son reflet. Son soi fantôme dans le paysage. On est presque endormi et on rêve, on rêve en rythme, au galop de la voiture devenue carrosse... Le rêve se dilue à la réalité. La frontière s'estompe, disparait presque. Une lueur fascine au loin.
Presque endormie je demande à Mélania :
-Il y a une lueur, un village dans la forêt… Nous sommes presque arrivés à la maison ?
-Non Atilla.
-Attend je vais regarder sur la carte. Ce village m’intrigue.
Je dépliais la carte. Et je n’arrivais pas à situer ce village. Non, il n’était pas sur la carte pourtant il me faisait de l’œil ! Nous étions bien sur la route entre La vanille et Saint Roc.
Un animal traversa la route. Un Baku ! Le voilà échappé du tableau…Mélania freina à temps. Elle ne l’avait pas percuté. Nous n’avions pas sentis le choc. Il avait déjà disparu. Mais une femme diaphane et maigre vêtue tout de blanc sortie de la forêt et s’approcha de la voiture. J’ouvris la portière arrière. L’étrange dame entra dans le véhicule. Elle désirait rentrer chez elle et elle nous indiqua le chemin. Elle était étrange car elle ne répondait pas à nos questions. Avait-elle attrapé accident ? Que faisait-elle dans les bois la nuit vêtue ainsi. Elle était pieds nus. Nous nous dirigions vers la lumière. Elle devenait de plus en plus intense. Comme un soleil. Les branchages des arbres formaient des voutes. Nous traversions ce tunnel, droit vers la lumière. De plus en plus aveuglante. J’avais peur. Je m’agrippais à mon siège.
Cette lueur ne provenait pas de l’éclairage public. Ne provenait pas d’une fenêtre…D’une cheminée. Ce n’était pas un village. Juste une clairière. C’était un œuf d’or qui brillait ainsi. Un œuf géant. De quel oiseau ? Un phœnix ? Leonera avait peint un œuf d’or. Nous sommes sorties de la voiture. Un félin s’est frotté contre ma cheville en ronronnant.
-Bashet que fais-tu là ?
Mon chat est là. Je rêve ?
Il a couru dans le chemin, Mélania et moi le suivions. Au pied d’une pyramide, mon père. Le corps au contour presque effacé. Il me souriait. Son regard était extrêmement doux. Sa voix calme.
-Ma chère fille Atilla, ce n’est pas encore ton heur. Tu dois rentrer chez toi. Ne te fais plus de mal. Ne fais pas comme moi. Ne gâche pas ta vie…Fais toi une belle plume.
Ah, hélas je n’arrivais plus à écrire ! Mon père m’embrassa sur le front.
C’est dans une chambre d’hôpital que je me suis réveillée. Nous avions attrapées accident. Le Baku ! Mon amie a perdue le contrôle du véhicule. Elle avait un peu trop bu. Le médecin m’a annoncé son décès. Moi j’étais dans le coma ! Pas longtemps…
Le choc ! Puis le vide. Je ne réalise pas très bien. C’était ma meilleure amie. La seule qui me restait. Une amie d’enfance.
Je rentre chez moi, je découvre Bashet endormi sur mon lit. Je le caresse. Il est froid. Et même glacé ! Je ne ressens pas son cœur qui bat ! Ne me dis pas que…Mais non ! NON ! Bashet pas toi ! Pas toi ! Je le secoue. Il ne se réveille pas. J’hurle ! J’ai mal ! Il est mort ! Je sanglote, ma tête posée sur sa robe.
Il est de l’autre côté, dans la forêt. Avec mon père et Mélania. Il est dans mon désert égyptien. J y suis allée. Mais je suis revenue. Hélas…