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3 février 2024 6 03 /02 /février /2024 18:25
de Prisca Poiraudeau

de Prisca Poiraudeau

Cette gravure immense à hauteur d’homme était tel un miroir. Telle une porte. Elle me faisait songer à une œuvre de Max Ernst. On aurait pu s’en inspirer à Aubusson pour la reproduire sous la forme d’une tapisserie. Cette douce amie Sarah aux cheveux blond-bébé et vêtue en gothique romantique me la faisait découvrir. Une femme et un homme échangeaient un baiser d’amour lors d’un bal, tout en dansant, en tournoyant. Cette scène semblait se passer au XIX°siècle si je me fiais au style vestimentaire. Mais la femme posait sur sa joue un poisson coupé en deux sans la tête. Un poisson aux petites écailles d’argent mais rouge profond sur la tranche. Rouge sang là où il avait été mutilé. Peut-être le poisson était glacé et elle le posait sur sa joue à cause de son mal de dents. Ou bien c’était lié à son arracheur de dents et elle avait la bouche très endolorie. Le poisson aussi était mutilé. Comme elle. Pourtant ils échangeaient un baiser. L’homme était peut-être un vampire qui s’abreuvait de son sang et de son âme. C’était peut-être un rêve. Une paralysie du sommeil. Cette femme ne pouvait même plus respirer. Une sirène en apnée hors de l’eau et prise par l’hameçon de sa bouche. Son visage avait disparu dans le sien par la fusion. Un peu comme les baisers dans certaines toiles d’Edvard Munch. Faire un baiser, faire  l’amour, c’est partager l’aura de l’un et de l’autre.  Mais si l’amour est forcé ? Si l’acte est violent ? Cette femme victorienne vêtue de sa robe sirène, de ses manches longues et d’un col un peu haut était apparue dans mon jeu de carte divinatoire. Dans l’interprétation on m’avait parlé d’un rêve. D’un contact avec un ancêtre. Cette femme Elisabeth était extrêmement pâle. Et dans le médaillon porté à son cou : je devinais une tête de mort. Son corset était extrêmement serré. Un filet de pêche. Elisabeth allait s’évanouir. Sa bouche était en sang. Elisabeth ne pouvait plus l’ouvrir durant quelques jours et la chanteuse qu’elle était ne pouvait plus chanter. C’était en hiver. Dans une ville au bord de la mer.

A côté de la gravure la plaque n’indiquait pas le nom de l’artiste, ni celui du tableau. Mais il était inscrit seulement anonyme. Nous étions debout, devant l’immense œuvre, comme si on pouvait entrer dedans et valser nous aussi. Mon amie Sarah s’inquiéta de moi et me demandait : 

-Rosalia, tu es si pâle, tu sembles si mélancolique.

-C’est parce que c’est un baiser horrifique et il m’évoque des choses douloureuses…Pendant très longtemps je n’aimais pas embrasser...Lorsque j’étais adolescente une copine m’avait raconté des histoires à dormir debout au sujet de son premier baiser. Ce n’était pas un baiser d’amour car elle était écœurée.

 

*

 

Elisabeth décida de ne plus s’alimenter et de se laisser mourir. Son reflet était déformé et dans ce prisme elle ne s’aimait pas. Elle se trouvait laide et dégoûtante. Elisabeth ne se voyait qu’à travers les yeux d’un monstre qui ne la respectait pas (au reflet d’un incube ou d’un succube posé sur un corps allongé et tétanisé comme dans Le Cauchemars de Johann Heinrich Füssli). Un soir avant d’aller au lit, elle avala beaucoup de médicaments, des antidouleurs à base d’opiacés. Cette ancêtre lointaine était morte avec une sensation d’apesanteur qui la soulageait enfin de ses maux. Elisabeth était morte d’un arrêt cardiaque suite au surdosage. 

 

*

Quelques mois auparavant

La scène était en bois. Les rideaux étaient en velours pourpre. Des lumières phosphorées vertes baignaient le cabaret installé dans une cave voûtée. De la brume s’échappait des naseaux des dragons de pierre. Les musiciens étaient habillés de noir. Le chant de la fluette chanteuse était accompagné d’un clavecin, d’une flûte traversière mais aussi d’une basse. Des couples dansaient le slow devant la scène. D’autres étaient assis sur les sièges en velours-rouge. Sa voix était angélique dans les aiguës, profonde dans les graves. Parfois le rythme était si endiablé qu’elle dansait telle une fée. Ses cheveux noirs flottaient sur ses épaules diaphanes. A la fin du concert, un punk avec une crête verte entra dans sa loge. Il était grand et large d’épaule. Il avait une prestance, habillé de son perfecto en cuir. Ses yeux étaient verts et son nez était droit et fin. Dorian lui offrit une rose blanche. Rosalia huma la fleur et le remercia. La rose avait une senteur fraîche et sucrée. Dorian lui demanda une dédicace dans son livre/cd.  Ce qu’elle fît. Sur la pochette une croix byzantine apparaissait dans la nuit étoilée. Un chat noir suivait une silhouette fantomatique, elle avait les cheveux au vent et à ses pieds des feuilles mortes tourbillonnaient.

Rosalia prit le métro pour rentrer chez elle. La rose dans une main. Elle pensait à Dorian.

*

Le matin au réveil un homme avec des ailes de chauve-souris était au dessus de son lit agrippé à la lucarne. La tête en bas. C’était Dorian. Elle le désirait tout en se sentant fragile telle une enfant encore vierge. Dorian se laissa tomber sur le lit et embrassa sa fine nuque. Pendant qu’ils échangeaient des caresses des corbeaux croassaient et une pluie tintait sur les toits. Plus ils planaient, en apesanteur, au dessus du lit comme deux libellules s’accouplent dans les airs.

 (...)

 

*

 

 

 

Le 21 janvier 2024
 
J'ai fait un étrange rêve cette nuit, une amie me montrait une gravure, il s'agissait d'un bal, probablement durant la période victorienne si je me fis au style vestimentaire, une femme et un homme se donnaient un baiser d'amour mais la femme posait sur sa joue un poisson coupé en deux, sans la tête.
Peut-être elle avait mal aux dents et il s'agissait d'un poisson gelé. Ce qui est étrange c'est que hier dans une guidance cette femme élégante habillée dans un style victorien est apparue.
Ce rêve me donne beaucoup d'inspiration d'écriture que je n'avais plus...Un récit fantastique qui se nommerait "Le baiser horrifique".
de Max Ernst

de Max Ernst

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