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13 décembre 2012 4 13 /12 /décembre /2012 19:01

alice6.jpgDerrière mes lucarnes embuées j’ai froid.  Je survies entres ses vielles tapisseries à fleur moisies, déchirées, perlés de gouttes d’eau. Ma peau est dans le même état, tellement je me gratte avec mes ongles et j’ai de  la fièvre. Je suis toute pâle, je tousse depuis trois semaines, je n’en finis plus de maigrir. Ma mère aussi minci, son visage se creuse. Enroulé dans une couverture, je me contente d’une tasse de café bouillante serré entres mes mains abimées, quelques clémentines et chocolats que nous a apporté la banque alimentaire. A l’intérieur de notre taudis sur les toits, je guette à la fenêtre ma ville en flocons, et la patinoire remplies d’enfants, on les entend rires, on entend les oiseaux, et les cloches sonner. Dans les montagnes l’écho redit les bruits.  Des cerfs marchent dans la neige, trainent des traineaux remplies de jouets. J’attends. Nerveuse. Je m’arrache un ongle « ail ! », le sang tâche ma robe blanche. Ma mère me gifle en criant

 « Pauvre folle »,

 

 me reproche de ne rien faire tout en passant le ballet :

 « Tu as arrêté tes études c’est dommage à dix huit ans, tu pourrais au moins chercher un travail ! 

J’ai la bouche qui saigne à cause d’elle.

-Je ne peux pas maman.

Mes mots dits on un gout de sang.

-Feignante ! Moi je me crève le cu pour trois sou et toi tu te laisses aller, tu ne vaux pas mieux que ton père ! »

Marre d’entendre tout ça, je pleure, quelques larmes s’accrochent dans une mèche de cheveux indomptable qui balaye ma figure tout le temps, presque. Je pense aux boules de noëls accrochés dans les sapins. Et les larmes se décrochent de mes cheveux éclaboussent mon visage. Je me lève trop brusquement, la tête me tourne, je titube jusqu’au porte manteau. Elle me demande 

« Où vas-tu ?

Je lui jette un regard noir.

- Je ne sais pas, prendre l’air ! »

La couverture est tombée à mes pieds, ma robe blanche est tachée, mon doigt saigne encore, j’enfile le grand manteau blanc.  Quelqu’un frappe à la porte, mon cœur frappe dans moi trop vite, c’est mon père qui rentre. Partis depuis trois jours, on ne savait pas où il était. Il rentre les yeux livides, m’embrasse avec sa bouche alcoolisée et tabac. Tombe affalé dans le canapé. Ma mère va dans sa chambre, claque la porte, sort de ses gonds. Je reste planté là dans la pièce, immobile.

Je finis par partir, descend les escaliers en me tenant très fort à la rambarde. J’ai des vertiges. Les clés  grelottent dans ma poche. J’entends papa, il dit « Ou tu pars Alice ? …Attention à ne pas tomber trop bas ». Je l’ignore et descend.

Dans la cave de l’immeuble je cherche ma luge en bois, et voyant ma poupée sur la caisse de jouets abandonnés, je la reprends, tache sa robe de sang. C’est une princesse, poupée mannequin. J’assois la poupée sur la luge, la traine derrière moi, je vais au bois nommé jardin des secrets. Coure après les lapins, avec un creux au ventre, j’invente les éclats de rires de la poupée.  Mais au fond je suis triste même si je ne pleure pas.  

Une racine me fait trébucher. Je chute dans un terrier de lapin, je m’attends à un autre monde. Du genre Alice au pays des merveilles ou labyrinthe de Pan, mais rien je suis au fin fond du troue, il est très profond. J’essaye de grimper le long de la paroi mais la terre humide glisse. Et j’essaie encore, encore et appelle au secours.  Personne pour l’entendre. Je glisse, glisse des heures et des heures, me laisse finalement tomber.  Je dégringole douloureusement sur la poupée. Je suis toute noire de terre, et toute écorchée. J’attends. Je grelotte. Finis par m’endormir. Je sens la triste fleur, la promesse d’un parfum d’hivers au printemps.

Et le vent recouvre le trou de feuilles et de terre.

De matière  je me réveille au printemps, plus légère, encore végétative, en fleur. J’ai remonté les racines du passé. Blanche et rouge. Blanche comme les volants de ma robe et mon tien de poupée, rouge comme mon sang, ma blessure. Mes bouts de racines sont dans une galerie, un lapin blanc dort dans mes cheveux.

Mon père et ma mère à fleur de peau, de mon absence perde les pédales, les pétales… Mais ils c’étaient flétris bien avant ma disparition. Ils me cherchent dans tout les terriers, mais le mien est remplis de terre, repose mes os. J’avais crié pourtant, ils ne m’entendaient pas. Quand ils sont venus me chercher, c’était trop tard !

Ils croyaient au conte de Alice, ils y croyaient, c est pour cela qu’ils me cherchaient dans les terriers et pas ailleurs, vu que je m’appelle Alice. J’étais tombé bien bas, dans un terrier. Il n’y a que les âmes qui passent de l’autres côté du miroir, et les corps nourrissent la terre. Les fleurs se nourrissent de terre et de larmes.  A fleur de peau comme disait M, que j’écoutais dans ma tendre enfance…  ‘Je remonte à la racine de mes pensés intimes, quand je pleure, pleurer me fait grandir, pleurer me fait pousser comme une fleur, une danse en transe, une transcendance, quand la sève pense ma substance, j’étais desséché je n’avais pas pleuré depuis longtemps… ‘ 

 Alice n était peut être pas un personnage, mais une fleur. Les alices dans le jardin des secrets. Semé en hivers, poussé au printemps. Mirana-the-White-Queen-alice-in-wonderland-2010-14-copie-1.jpg

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commentaires

N
Bonjour Prisca,<br /> terrible ce texte ! j'aime beaucoup la fin, l'idée est à la fois belle et terrifiante
S
La colère beau texte bonne soirée a toi ma fée bisous féerique evy

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  • : Mon univers sombre et féérique...Je m'appelle Prisca Poiraudeau,une rêveuse gothique, je suis passionné d'art...
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