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19 juin 2023 1 19 /06 /juin /2023 21:14
Paul Delvaux, La Gare Forestière

Paul Delvaux, La Gare Forestière

 

Je me suis installée dans une maison forestière, une ancienne maison de gare. Le train ne passe plus. On nomme ce sentier Le Chemin des Escarbilles en souvenir des trains à vapeur. Ma chienne Neige une chienne husky aux yeux bleus garde la maison de sa voix grave et rauque contrastant avec son apparence douce quasiment angélique. Neige est fine, douce avec sa robe blanche et duveteuse, son fin museau de biche, ses yeux en amande qui semblent maquillés d’un trait de khôl, turquoises et infiniment doux. Ma chienne ressemble à un loup apprivoisé en bordure de forêt. C’est une jolie petite maison assez simple et fonctionnelle avec une cheminée dans la cuisine/salle à manger, un escalier qui mène à la chambre tapissée de roses romantiques avec sa salle de bain et un wc séparé. Une autre porte menant au grenier où j’ai trouvé quelques secrets et mémoires disparues. On a la rivière qui passe à côté, avec une plage aménagée pour la baignade, et un passage pour aller de l’autre côté de la rive, nous pouvons traverser de roche en roche. Je viens souvent avec ma chienne me baigner car je ne sais par quel miracle mais l’eau y est abondante malgré les sécheresses. Le sable est doré sous mes pieds, l’eau est fraiche. Et puis j’adore me balader avec Neige sur l’ancien chemin de fer. En automne je cueille des champignons et des noix. Au printemps des marguerites, des pissenlits, de l’ail des ours pour mes salades. En été des fleurs pour enchanter ma table de cuisine. En hiver du houx et du fragon pour décorer la maison. A noël il neige. Ma vie ressemble à un conte de fées.      

Au retour dans la nuit de chez une amie plasticienne, Marylin, le brouillard flottait au dessus de la route…Ma voiture sous le tunnel d’arbres…Si une dame blanche était apparue au bord de la route je n’aurai pas été surprise avec cette atmosphère fantomatique, cette croix de bois sur le côté, le château qui apparaît suspendue à un duc rocheux…Il ne manquait plus qu’une chouette effraie planant sous l’arche gothique de la forêt.  Neige était calme. Elle dormait sur la banquette arrière de la voiture. Ce n’est pas comme à la maison où elle semble courir après des présences invisibles. Ce ne sont pas des choses malveillantes. Neige semble plutôt enjouée. Je vois la balançoire accrochée au châtaignier se balancer toute seule même lorsqu’il n’y a pas de vent et qu’il fait très lourd en été. J’entends des galopés dans les escaliers et sur le plancher dans les combles. J’entends des rires cristallins déployés au jardin…Je crois apercevoir des petites silhouettes en robe telles de petites dames parmi les arbres puis je pense que ce sont les feuillages mêlés au ciel qui donnent cette impression. Je pense apercevoir le reflet de visages enfantins dans l’eau clair de la fontaine. Je pense percevoir des murmures dans mes oreilles qui me donnent des petits frissons : des chansons comme des berceuses ou des comptines pour enfant…C’est lointain, c’est proche, il y a un écho, ça disparaît…C’est semblable aux murmures de l’eau et des feuilles. Du crépitement du feu.

Dans l’atelier de mon amie Marylin où j’expose mes illustrations et mes livres, nous avons picoré aux chandelles des petits canapés tout chauds sortis du four et nous avons bu du vin blanc. Quand les visiteurs sont partis, elle a sorti les huitres, les crevettes, la baguette, le beurre normand…Nous nous sommes régalées. Quand nous sommes montées toutes les deux à l’étage dans son dressing semblable à une loge d’artiste, j’ai vu entre les vitraux et le miroir une œuvre qui m’a troublée. Assez grande, encadrée dans un cadre en bois, une gare forestière ressemblant à ma maison. Mais une scène qui se déroule dans le passé : à l’époque des locomotives à vapeur. Sur le dessin : deux fillettes, des jumelles de dos sont sur le quai de la gare forestière. L’une habillée en rouge et l’autre en bleu.

-Cela ressemble à chez moi, j’habite dans une ancienne gare...Dans la forêt.

Dis-je à mon amie aux longs cheveux bruns. Mon amie n’est jamais venue visiter mon nouveau chez moi.

-C’est vrai que tu habites dans une maison de gare dans la forêt…Je l’ai trouvé à la brocante, il est si beau…

-On dirait l’œuvre du peintre belge surréaliste Paul Delvaux car il dessinait beaucoup de gares…des femmes nues dans les gares, elles sont des fantômes…

-Je ne le connais pas.

-C’est vrai que toutes les maisons de gare se ressemblent un peu …Ce tableau est une fenêtre dans le passé.  

Mon amie me montrait les vêtements un par un qu’elle avait sélectionnés pour moi, et elle les pliait au fur à mesure et les rangea dans un sac. Il y avait un beau manteau un peu long, vert. Une robe en velours violet avec de la dentelle. Des jupes, des robes, des petits chemisiers à fleurs… 

Lorsque je rentre à la maison je songe que j’entre dans une peinture comme celle de chez mon amie. Les amours en cage s’épanouissent à l’ombre des arbres, auprès de la marre, du puits où je puise de l’eau pour le jardin. Lorsque je me suis installée avec Neige à la maison forestière, le jardin était magnifique et naturelle, sans être à l’abandon, avec de nombreux nichoirs en bois pour les oiseaux. L’intérieur était meublé et rénové. Sa table ronde en bois dans la cuisine/salle à manger avec ses poutres apparentes, le bar qui sépare la cuisine, le canapé en tissus violet, la baie vitrée donnant sur une prairie en fleurs cerclée de bois, la belle cheminée en pierre. Un couloir avec des portes manteaux accrochés au mur, un petit meuble pour ranger les chaussures, l’escalier en fer forgé tournoyant menant à la chambre romantique avec son grand lit à baldaquin, son balcon, et sa salle de bain avec une baignoire. Une autre porte, sépare l’escalier qui mène aux combles, deux lits jumeaux, des petits lits-bateaux de largeur 90 cm, une vieille armoire à glace en chêne avec des roses sculptées à même le bois, un bureau d’écolier et une malle. Dans la malle je trouve deux robes d’écolières à col, deux livres identiques de lecture de la classe préparatoire, sur les étiquettes on peut lire: Manon et Eloïse. Un ours brun et un poupon, son biberon. A côté de la malle, une maison de poupées, la poupée installée dans son lit à baldaquin habillée en princesse. Dans sa penderie elle a d’élégantes toilettes…Dans la table de chevet à droite un livre de coloriage, et une photo : deux petites filles identiques en robes blanches, des rubans dans les cheveux, elles ont de longs cheveux ondulés plutôt clairs, et une peau diaphane. Avec les cheveux aux vents, longs et leurs robes un peu flottantes on croit deviner leurs ailes transparentes celles des papillons. Elles sont à côté de la maison devant des branchages d’arbres. Elles ont les yeux clairs comme de l’eau. Dans la table de chevet à gauche un journal, c’est le journal qui appartient à Eloïse, c’est inscrit sur la couverture…La petite fille à une petite écriture très soignée. C’est écrit à l’encre. Je découvre l’encrier et la plume sur le bureau comme si c’était la veille qu’elle avait écrit ces lignes dans son journal qui est un simple cahier à la couverture bleue. La couleur est un peu passée, pâle.  Il n’y a pas de date dans ce journal de bord.   

Je m’appelle Eloïse et ma sœur Manon. Nous avons six ans. Ma sœur Manon ne sait pas lire et écrire mais elle est douée en chant et en dessin. Tandis que moi je suis toujours dans les livres. C’est moi qui lui lis des histoires. Mais notre maman et notre papa nous en lisent aussi avant de nous endormir. On habite à la maison de gare à l’étage car le hall de gare est l’endroit où nos parents travaillent et où on croise toutes sortes de voyageurs…

*

Lorsque mon papa est monté dans un train, il n’est jamais retourné chez nous. Maman dit qu’il est parti avec une femme gantée et à chapeau et son chagrin est inconsolable. Mais qui est cette inconnue ? Nous sommes tristes mais nous ne voulons pas inquiéter notre maman et nous voulons lui apporter du bonheur. Papa me manque mais il n’est pas gentil de nous avoir abandonné. Il ne mérite pas notre tristesse.

Lorsque ma petite nièce Aurélie âgée de 6 ans est venue à la maison, c’était un peu pareil que Neige, elle percevait les deux fillettes qui se montraient à elle et Aurélie jouait avec ses amies qui n’étaient pas tout à fait imaginaires…Aurélie laissait des offrandes : plumes, bonbons dans des cachettes secrètes au creux des arbres…La husky enjouée jappait et tournoyait sur elle-même. Dans les combles Aurélie se déguisait avec leurs robes d’autrefois et jouait à la poupée dans la maison de poupée ou bien au bord de la rivière où elle jouait à la dinette…C’était étrange car si je percevais son rire, j’entendais aussi le rire de deux autres qui cascadaient dans la forêt. J’avais peur qu’elle disparaisse déguisée ainsi et l’esprit dans ses jeux, dans son imaginaire…Disparaisse dans l’eau parmi les reflets des autres ou dans le reflet verdoyant des arbres.  Lorsque j’ai fait un gâteau à la fleur d’oranger Aurélie n’a pas touché à sa part protestant qu’elle n’a pas besoin de manger. Je la voyais dans sa grande robe à dentelles avec son chapeau, le visage blanc car elle s’était maquillée devant ma coiffeuse avec la poudre de riz et mit de la confiture de groseille pour rosir ses joues. J’étais vêtue de la longue robe de mon amie plasticienne un peu intemporelle et je pensais toujours à la peinture, une fenêtre, un reflet déformé de ma vie qui est entre les deux mondes. Je m’attendais à voir surgir la locomotive dans mon jardin avec ses voyageurs, des voyageurs d’une autre époque…

*

Marylin était passée me voir, je lui ai offert un thé au jasmin dans un joli service. Elle m’a offert ce tableau que j’ai accroché aussitôt au-dessus de la cheminée…Nous l’observions :

-C’est vrai que la maison dans la peinture est identique à ta maison, il ne manque que le chemin de fer, les locomotives, les voyageurs…

-Les petites jumelles ne prennent jamais le train, elles demeurent là…D’après ma petite nièce Aurélie : c’est Manon qui chante d’une voix cristalline et dessine sur le sable…Alors qu’Eloïse fait la lecture… 

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