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10 octobre 2017 2 10 /10 /octobre /2017 18:37

Elle est en mouvement. Ses cheveux noirs au vent. Filet d’air frais venu de la lucarne entre-ouverte. Toile d’araignée _semble être un attrape-rêve_ ondule au gré de l’air. Sissi ne regarde pas l’objectif. La photo en noir et blanc semble prise sur le vif. Elle a peut-être dix-sept ans.  Un faisceau de lumière lunaire projette un rectangle sur le sol, à quarante centimètre de l’ouverture. La poussière _ paillettes d’or_danse en orbite autour d’un fil de la vierge en flottaison. Il pleut dans la douche. Une danseuse apparaît derrière Sissi. Elle est au seuil de la salle de danse que l’on devine…La danseuse _juste une silhouette, le visage flouté_ Sissi est vêtue d’une veste noire en simili cuir, ses jambes fluettes serrées dans un jean.  Ses pas touchent à peine le sol. Elle est de profil _diaphane et fine comme un croissant de lune_ avec un air de lutin. Une lueur brille sur sa joue. Peut-être une larme ? Elle sourit pourtant. Un sourire d’enfant timide en fait. Un sourire triste. Son œil d’égyptienne est noir. Ce que l’on ne perçoit pas sur la photo c’est la musique des sphères, un peu spatiale. Le grésillement et les sursauts subtils d’un tourne-disque. C’est la senteur d’un parfum mêlée à celle du savon d’Alep. C’est le carrelage glacé aux losanges noirs et blancs. C’est l’angoisse nichait au cœur de la poitrine de Sissi. Comme un coup de poignard. C’est la peur du vide face à l’espace infini criblé d’étoiles. Sissi à recouvert sa tête et ses épaules d’un châle de velours _bleu-nuit_ dans la nuit polaire, son ombre s’étire sur la route infini, absorbée par le point de fuite. De timides lueurs émeraude habitent les reflets des fenêtres songeuses…Une alpha-Roméo traverse la nuit. Un papillon bleu-ciel titube. Le parfum de Sissi- comme l’aura s’efface.

*

C’est dans le tiroir de la coiffeuse blanche en fer forgé que Lolita a retrouvé la photo. Fascinée elle la regarde. Elle distingue (sur la gauche) dans le miroir du vestiaire, au dessus du lavabo, une silhouette toute petite _la photographe. Une fille aux longs cheveux. Blonde. En tutu. Mais le flash éblouit son visage. Lolita retourne la photo, il est écrit (c'est une toute petite écriture serrée, penchée vers la droite) Sissi Polanski, ma meilleure amie, avril 1973.  Sissi est la maman de Lolita. Lolita à dix sept ans mais est encore très enfantine. Elle joue à la poupée. Une poupée danseuse étoile. Avec un tutu bleu-nuit. Elle a une maison de poupée mais aussi une salle de danse (en miniature) à l’échelle des poupées avec un vestiaire pour que la poupée puisse se métamorphoser ou prendre sa douche après sa leçon de danse. Lolita fait faire des exercices à la barre à sa danseuse. Il n'y a hélas plus de pille dans le tourne disque miniature. Alors Lolita chante d’une voix cristalline.

*

Avant de s’endormir Sissi lit une histoire à sa fille, La danseuse papillon. 

-Maman pourquoi tu ne danses plus ?

-Comment le sais-tu ? Je dansais…

-J’ai retrouvé une photo de toi dans la coiffeuse…

-Tu es entrée dans ma chambre…

-Oui...Mais je l’ai remise à sa place.  

-C’est Manon ma meilleure amie qui m’a prise en photo…Je rentrais à pieds. Il faisait très froid. Une voiture s’est arrêtée.  C’était mon père Ulrich…Il avait acheté une nouvelle voiture. Il était fier. Une alpha-Roméo noire. Il avait bu, un peu. Il avait un problème avec l’alcool. Mais ce soir là, il n’était pas trop ivre. Nous avons attrapés accident de voiture. Un chien a traversé la route, il a voulu l’éviter et la voiture a percuté un arbre. Nous étions presque indemnes. Je ne semblais pas blessé… Mais c’est quelques jours plus tard…J’ai eu des douleurs dans la colonne vertébrale. Je n’ai pas pu continuer la danse.

-Et le chien ?

-C’était un chien roux. Il a disparu en la forêt…La forêt qui bordait la route. Mon père ne l’a même pas effleuré…

*

 Sissi sort un petit coffre de son armoire à glace. Un coffre en bois incrusté de pierreries. Et l’ouvre avec une petite clef en or.  Les chaussons de danse par-dessus le tutu bleu-nuit. Un flacon de parfum en forme de papillon de couleur bleu-ciel. Une photo. Manon cygne blanc et Sissi cygne noir.  Elles sont sur la scène, sous un faisceau lumineux. Face à face. En miroir.

Lolita assise par terre, dans la chambre de sa mère, découvre les objets et la photo. Elle respire l’odeur du tutu et le serre contre sa poitrine. Sa mère a recouvert ses épaules de son châle. Le châle bleu-nuit qu’elle aime tant, qu’elle portait déjà adolescente. Un cadeau de Manon. Sissi ne se reflète pas dans la coiffeuse blanche en fer forgé. Comme si elle n’était plus…Sissi est un fantôme. Elle sort une cigarette de son jean et s’en grille une. Elle est nerveuse. Elle tourne le dos et paraît si fluette. Toute vêtue de noire. On dirait un chat triste.

-Et Manon ?

-Elle était venue me visiter à l’hôpital. Elle m’a apporté des chocolats. Elle m’a serré très fort dans ses bras. Quand nous étions petites, elle venait souvent à la maison…Elle dormait chez moi. Nous jouions à cache-cache et à la poupée. Nous nous maquillions assise devant cette coiffeuse. Ma mère faisait des merveilles ou des crêpes.

*

Lolita se déshabille et enfile le tutu de sa mère. Il est à sa taille. Lolita se regarde dans le miroir de l’armoire.

-Maman, j’aimerai devenir danseuse étoile.

Sissi revient dans la chambre. Sursaute en découvrant sa fille. Elle est surprise car elles se ressemblent comme deux gouttes d’eaux…Après un long silence, Sissi lui répond enfin :  

-Je veux bien t’inscrire dans une école de danse, si tu veux. Mais j’aime aussi t’entendre chanter. Tu es un rossignol !

Sissi étreint Lolita. Dehors la neige tourbillonne. Le disque Pro Mémoria s’enclenche.   

Les jeunes filles au vestiaire
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