Fleur de Séléné
Elles ont des cheveux pâles comme la lune,
Et leurs yeux sans amour s’ouvrent pâles et bleus,
Leurs yeux que la couleur de l’aurore importune.
Elles ont des regards pâles comme la lune,
Qui semblent refléter les astres nébuleux.
Leurs paupières d’argent, qu’un baiser importune,
Recèlent des rayons langoureusement bleus.
Elles viennent charmer leur âme solitaire,
Dans le recueillement des sombres chastetés,
De l’haleine des cieux, des souffles de la terre.
Nul parfum n’a troublé leur âme solitaire.
L’ivoire des hivers, la pourpre des étés
Ne les effleurent point des reflets de la terre :
Elles gardent l’amour des sombres chastetés.
Leur robe a la lourdeur du linceul qu’on déploie,
Blanche sous le regard nocturne des hiboux,
Et leur sourire éteint la caresse et la joie.
Leur robe a la lourdeur du linceul qu’on déploie.
Elles penchent leur front et leurs gestes très doux
Sur les agonisants du songe et de la joie
Qui râlent sous les yeux nocturnes des hiboux.
Elles aiment la mort et la blancheur des larmes…
Ces vierges d’azur sont les fleurs de Séléné.
Possédant le secret des philtres et des charmes,
Elles aiment la mort et la lenteur des larmes,
Et la fleur vénéneuse au calice fané.
Elles viennent cueillir les philtres et les charmes,
Et leurs yeux pâles sont les fleurs de Séléné.
Renée Vivien, Cendres et Poussières, 1902
Cette nuit j’ai rêvé qu’une belle jeune femme fantomatique chantait d’une douce voix et se couchait à mes côtés pour m’étreindre…Je ne me souviens pas de son visage mais elle était frêle, portait une longue robe blanche et un chapeau…Au lieu de me laisser aller à cette caresse, j’ai paniqué…J’ai accouru dans la chambre de ma mère qui semblait tellement fatiguée, elle était vêtue d’une robe verte et d’un haut rouge pailletée(le même que le mien, j’étais étonnée qu’elle se vêt ainsi comme une jeune fille). Je la câlinais avec tendresse et je cherchais son réconfort effrayé par le fantôme d’une jeune femme amoureuse de moi… et d’un autre siècle.
J’ai pensé que ce fantôme c’est moi car cette été j’ai acheté un beau chapeau pour aller à la plage. Mais j’ai pensé surtout à la poétesse Renée Vivien. Et à mon réveil dans la nuit j’ai eu peur pour ma mère. Un peu comme si cette jeune fille c’était la mort ou quelque chose comme ça. Mais peut-être est-ce moi qui allais m’éteindre comme l’étoile filante…Et je cherchais l’affection de ma mère dans ma détresse. Mais ni l’une ni l’autre ne semblons bien.
Depuis hier soir je pense à mon rêve, le fantôme amoureux de moi et qui porte un chapeau comme le mien. Je pense que cette jeune fille est mon double ou mon âme…J’ai pensé aussi à la poétesse Renée Vivien. D’après un livre d'interprétation des rêves que j'ai emprunté à la bibliothèque le chapeau véhicule nombre de significations: Jung affirmait qu'ils étaient le symbole de la pensé et que la forme onirique était donc porteuse de sens. Si nous changeons de chapeau ou en achetons un, il est probable que soyons à une étape de notre développement personnel qui permet de nous ouvrir à de nouvelles idées et d'écarter à présent des croyances maintenant dépassées.
Je suis allée consulter un livre très ancien que j’ai depuis l’adolescence (c'est-à-dire j’avais peut-être 15 ans) et je ne le consultais plus. Porter un chapeau signifie vous ferez un voyage...En réalité j'ai acheté un chapeau lorsque mon oncle du Canada (il adore voyager, il était dans la marine marchande) était là et que nous allions à la plage...mais il m'a proposé de le rejoindre au Canada l'année prochaine ...Je ne sais pas quoi lui répondre. Mélange d’envie, de peur…
Ce rêve parle de la mauvaise santé de ma mère et de mon inquiétude vis-à-vis d’elle…Et de notre relation plutôt fusionnelle. Si je n’avais pas eu peur de ce fantôme. Ce fantôme de moi-même ? Ce rêve aurait pu être agréable, très sensuelle…Mais je semble avoir peur comme s’il s’agissait d’un succube ou d’un incube. Ou peut-être est-ce la mort ? A mon réveil je voulais téléphoner à ma mère, j’avais peur qu’il lui soi arrivé quelque chose. Je n’étais pas rassurée…
Un ami m’a écrit : J'ai lu le texte sur ton rêve, à ta place je serais resté dans le premier lit). J’ai vu une citation ce matin qui disait " Le premier acte, est libre en nous, mais nous sommes esclave du second." (GOETHE, Faust).
Je rejoins ma mère dans son lit parce que j’ai peur de ce fantôme. Il ne s’agit que de tendresse filiale. Et d'inquiétudes. Ses angoisses je les porte, comme elle porte mon habit rouge à paillette. Elle ne peut pas se passer de moi. C’est pour ça qu’elle porte mon habit. Je suis peut-être devenue sa conjointe qui remplace l’homme qu’elle n’a pas. Elle dit se sentir vide et seule lorsque je ne suis pas là.
Je pense aussi que mon rêve est lié à Roland…Il m’a effrayé. Il croit aux vies antérieures. Il pense que nous étions ensemble dans une autre vie. Ce fantôme c’était peut-être moi dans une autre vie.